jeudi 10 mai 2007

BRASIL. Un poisson dans l'eau

Après 2 heures de bateau, d'une demi-heure de popopo (petit bateau) et d'une autreademi-heure de marche sur piloti horizontaux en forêt, j'arrive dans la communauté de Cupuaçu composée d'une trentaine de familles dispersées sur le bord de l'igarape du même nom. C'est ici que le groupe de jeunes ICA réalisent leurs projets de plantation d'açai et de formation en agriculture écologique. Nous sommes accueillie chez Daria, une femme extraordinaire qui vit avec son mari récemment devenu aveugle suite à une opération de cataracte ratée... Son voisin est quant à lui paralysé depuis 5 mois après avoir reçu une balle qui a fait éclaté son tibia. Il a marché par mégarde sur une armadilha, un fusil modifié qui sert de piège de chasse... C'est la réalité des habitants de la forêt amazonienne qui vivent entre 2 mondes et semblent souvent y perdre. Notre voyage depuis Belém nous a évidemment creusé l'appétit. Nous sommes donc invité à manger à la maison du doyen de la communauté, senhor Queiros (qui ne fait pas ses 97 ans), où on fête l'anniversaire d'un de ses innombrables fils. Malgré l'absence d'électricité, on fait fonctionné le système de son à batteries à fond, si bien qu'il nous est impossible de s'entendre parler. Il ne reste qu'une chose à faire: danser le forró. Puis la chaleur nous amène à prendre un bain d'igarape, malgré les anguilles électriques qui y circulent... On fera ensuite une randonnée en forêt où les jeunes me montrent avec fierté la plantation d'açai biologique, fruit de leur premier projet. Il y a de quoi être fiers: 11 rangées de 16 plans qui fourniront un revenu stable à cette communauté lorsque les petits
fruits bleus abonderont sur les branches d'ici à 3 ans. En attendant, on fait pousser toutes sortes de cultures à croissance rapide telle que le maïs afin d'atténuer l'impatience de l'agriculteur passionné. À la tombée du jour, on installe nos hamacs chez Daria...et on va se coucher. Il est même pas 20h. Patricia et moi, on se regarde. Deux
insomniaques endurcies. On pouffe de rire. 20h! Une heure plus tard, je ronflais de plaisir. Le grand air m'a eu. À l'aube, après avoir avalé café et biscuits en vitesse, on part en expédition au coeur de la forêt. Je me sens comme un poisson dans l'eau. Je grimpe partout, j'ai de la bouette plein la figure, je me baigne dans toutes les sources sur notre chemin, j'avironne à fond. Après tout, je viens d'un pays dit sauvage! Je dois dire que ma témérité a impressionné les habitants de la place qui s'attendait au contraire. On m'a surnommée a guerrera, "la guerrière"! J'ai même été "baptisée" par Rosa, la présidente de l'Association des habitants de l'igarape Cupuaçu, alors que l'on prenait un bain de source ensemble. L'Association, c'est en fait Rosa et ses projets. Une femme déterminée, travaillante et extrêmement sympathique. J'ai l'impression qu'EcoMaris vient de trouver une autre alliée... Sur le chemin du retour, on a croisé un petit singe, un serpent venimeux et on s'est fait attaqué par une grosse bébitte volante non identifiée. Mais déjà, il fallait penser à réintégrer la ville avant la tombée de la nuit. *soupir* C'est le coeur lourd que j'ai quitté cette belle famille que je commençais à peine à connaître. Sur le bateau, alors qu'un orage éclate dans la noirceur, je pense à la soeur de Rosa qui a exactement mon âge et qui en est à son troisième enfant... Je pense à Daria et ses projets d'écotourisme et de construction d'un centre communautaire en palmier. Je pense à toutes ses guerrières que j'ai rencontré et je me dis que l'avenir de Cupuaçu
est définitivement entre leurs mains.

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